Togo/ Manifestations contre le régime de Faure Gnassingbé : La presse paye un lourd tribut

Dounya 24 MD
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Depuis un certain moment, le Togo est au-devant de l’actualité africaine avec des manifestations sévèrement réprimées dans le sang. Ces images désolantes rythment le quotidien des réseaux sociaux avec des vidéos montrant des manifestants sévèrement battus à mort, d’autres arrêtés puis jetés en prison. Ce beau pays de l’Afrique de l’Ouest, situé dans le Golfe de Guinée, est en train de basculer dans un chaos qui ne dit pas son nom sous l’indifférence de la communauté internationale, de la CEDEAO, l’Union africaine pour ne citer que ces institutions-là.

Au-delà de ces victimes, c’est la presse et les journalistes qui voient leurs libertés pourtant garanties par la constitution, mises en mal. En clair, la liberté de la presse est menacée dans le pays depuis la suspension pour trois mois de RFI et France 24.

A cela s’ajoute le chemin de l’exil pris par beaucoup de journalistes togolais ou l’exercice de la profession en toute discrétion ou clandestinité pour échapper à la répression.

Plusieurs patrons de presse que nous avons contactés, évoquent les circonstances éprouvantes dans lesquelles ils exercent leur métier.

L’un d’eux, Julien le Sénateur (nom de plume, il vit en cachette depuis quelques semaines), journaliste chez www.plumedafrique.tg, qui est obligé selon nos informations de se cacher pour informer ses internautes déplore la situation : « l’autocensure a pris le pas sur notre métier. Difficile de produire un article de réflexion ou d’analyse sans se demander si la HAAC ou les noms cités ne vont pas interpeller l’auteur dans les heures qui suivent. Parfois on est obligé de ne pas dormir à la maison tout en comptant sur Dieu ».

Pour un autre journaliste nommé Xavier Nono, la situation est des plus critiques pour la presse : « le journaliste n’est pas protégé surtout quand les autorités estiment que la manifestation n’est pas autorisée. Sa vie et celle de ses proches sont en danger. L’exil pour sauver sa vie quand on est critiqué vis-à-vis du régime ou chanter les louanges pour pouvoir en place depuis 20 ans pour avoir la paix du cœur, c’est le dilemme auquel est confrontée la presse togolaise aujourd’hui », a-t-il lancé.

Comme ces deux professionnels des médias avec plus d’une dizaine d’années d’expérience, beaucoup de journalistes togolais aujourd’hui ont pris ou envisagent de prendre le chemin de l’exil pour sauver leur vie. Pas plus tard que ce vendredi 4 juillet 2025, la HAAC, l’organe de régulation des médias dans le pays a encore convoqué 4 organes de presse pour les entendre sur des articles et photos produits lors des récentes manifestations dans le pays. Pour la HAAC, il s’agit d’une séance de pédagogie.

Rappel des faits

Les trois jours de manifestations sévèrement réprimées par les forces de l’ordre appuyées par des hommes armés en civil à bord de véhicules banalisés.

L’appel à manifester du 6 juin avait été lancé au mois de mai par un artiste togolais engagé, Tchala Essowè Narcisse alias Aamron qui sera arrêté plus tard dans sa maison dans la nuit du 26 mai 2025 par une cinquantaine de gendarmes. Il a lui été reproché de manquer de respect au chef de l’Etat Faure Gnassingbé qu’il critiquait pour son bilan de 20 ans à la tête du Togo.

Le pouvoir de Lomé a justifié son interpellation en indiquant qu’il fait un début de folie, ces propos durs contre Faure Gnassingbé relèveraient du délire. « Mon fils n’est pas malade, il est bien portant », a clamé sa maman dans une réaction sur le réseau social Tik Tok.

Mais l’arrestation et l’internement d’Aamron dans un asile à Aného, une ville située à 45 km à l’est de la ville de Lomé, a provoqué une vague d’indignation dans le pays. Son appel a été repris par d’autres artistes et blogueurs qui ont mobilisé les Togolais dans les rues le 6 juin. Plusieurs personnes ont été arrêtées à la suite de ces manifestations qui ont également été réprimées par les forces de l’ordre.

Une semaine après son arrestation, le rappeur apparaît dans une vidéo dans laquelle on le voit s’excuser auprès de M. Faure Gnassingbé. Il invoque une « dépression aggravée » qui lui a valu son internement.

Aamron a été libéré le 21 juin.

Mais la mobilisation n’a pas faibli. « Nous allons continuer à manifester jusqu’à ce que Faure Gnassingbé démissionne », a indiqué sur les réseaux sociaux Zaga Bambo, artiste togolais engagé, l’un des organisateurs des manifestations.

« Le déploiement de miliciens armés, circulant dans des véhicules pick-up neufs sans plaques d’immatriculation aux côtés des forces de l’ordre, révèle la stratégie cynique d’un pouvoir qui veut masquer sa responsabilité directe dans ces crimes. On a spécifiquement investi de l’argent pour équiper et payer des miliciens affectés à cette répression », a accusé le mouvement « Touche Pas A Ma Constitution ».

En attendant, la presse togolaise vit des heures sombres. Des manifestations d’envergure sont encore annoncées dans les jours et semaines à venir. À partir de ce moment, l’on peut affirmer sans risque de se tromper que la presse togolaise n’est pas au bout de ses peines.

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