Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement : « L’Afrique devait sortir de sa dépendance à l’égard de l’aide »

Dounya 24 MD
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Face à la diminution des financements mondiaux, aux tarifs douaniers et aux tensions géopolitiques, le président du Groupe de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina a déclaré vendredi que l’Afrique devait sortir de sa dépendance à l’égard de l’aide et tracer d’urgence son avenir par l’autosuffisance, les partenariats stratégiques et l’exploitation de ses vastes ressources naturelles.  

D’après le communiqué de presse, M. Adesina s’est exprimé à Abuja dans le cadre de la 14e cérémonie de remise des diplômes de l’Université ouverte nationale du Nigéria (NOUN), où il a donné une conférence suscitant la réflexion.

Son discours intitulé « Faire progresser le positionnement de l’Afrique dans la dynamique mondiale du développement et de la géopolitique » a présenté une vision audacieuse de l’avenir de l’Afrique dans un paysage mondial en mutation rapide.

« Le récent démantèlement de l’agence officielle des États-Unis consacrée à l’aide au développement et les mesures anti-subventions similaires dans d’autres parties de l’Europe signifient que les anciens modèles de développement sur lesquels l’Afrique s’est toujours appuyée ne fonctionneront plus », a-t-il déclaré à son auditoire.

« Le temps de l’aide ou de l’argent à titre gratuit est révolu. Les pays africains doivent maintenant apprendre à se développer grâce à une discipline d’investissement. Les pays ne peuvent plus compter sur l’aide pour la croissance ou la considérer comme une partie des recettes publiques, comme cela a été le cas pendant des décennies. La bienveillance n’est pas une classe d’actifs », a affirmé le président de la Banque.

Dans la plus grande université ouverte du Nigéria, M. Adesina a souligné que l’Afrique devait revoir son approche pour enregistrer une croissance et un développement à un rythme accéléré. Selon lui, pour stimuler la croissance, le continent doit rapidement assurer la mise en œuvre complète de la Zone de libre-échange continentale africaine : « Produire localement, acheter localement, commercer plus localement », a-t-il demandé aux pays du continent.

M. Adesina a mis en évidence plusieurs défis majeurs auxquels le continent est confronté, notamment la diminution de l’aide au développement, les politiques d’immigration restrictives, la sous-évaluation du capital naturel et les guerres tarifaires à l’échelle mondiale. Il a toutefois considéré ces défis comme des opportunités pour l’Afrique de redéfinir sa position sur la scène mondiale.

« 47 des 54 pays africains ont été soumis à des droits de douane américains plus élevés. Les effets directs immédiats de ces tarifs sur les pays africains se traduiront par une réduction significative des exportations et de la disponibilité des devises. Cela provoquera d’autres ondes de choc dans les économies africaines », a alerté M. Adesina à propos des récentes tensions tarifaires mondiales.

« Les monnaies locales s’affaibliront en raison de la réduction des recettes en devises. L’inflation augmentera en raison de la hausse des coûts des biens importés et de la dévaluation des monnaies par rapport au dollar américain. Le coût du service de la dette en tant que part des recettes publiques augmentera en raison de la baisse des recettes attendues », a-t-il ajouté.

Pour construire des économies résilientes, M. Adesina soutient que « l’Afrique doit tracer son avenir en s’appuyant non pas sur la bienveillance des autres, mais sur sa propre détermination à être autonome, à nouer des alliances fiables, à tirer parti des opportunités offertes par la dynamique mondiale, tout en plaçant l’Afrique au premier plan. Ce n’est qu’à cette condition que l’Afrique redeviendra grande ! »

Le président de la Banque africaine de développement a souligné l’importance de la valeur ajoutée et de la transformation des ressources naturelles, expliquant qu’il s’agit là de la clé de la prospérité future de l’Afrique. Il a également averti que l’Afrique devait aussi négocier soigneusement son engagement dans la course géopolitique mondiale aux minéraux critiques et aux éléments de terre rare.

« L’Afrique peut être compétitive dans ces chaînes de valeur mondiales. Elle doit s’éloigner de l’exportation de minerais bruts et se tourner vers la transformation et la valeur ajoutée afin de bénéficier des rendements élevés au sommet des chaînes de valeur mondiales », a déclaré M. Adesina, qui était accompagné de son épouse Grace Yemisi Adesina.

Il a appelé à une plus grande valorisation de tout ce que l’Afrique produit, du pétrole au gaz, en passant par les minéraux, les métaux, les terres rares et les produits agricoles.

« L’Afrique doit mettre fin à l’exportation de ses matières premières », a prévenu M. Adesina.  « L’exportation de matières premières est la porte ouverte à la pauvreté. L’exportation de produits à valeur ajoutée est l’autoroute de la richesse. Et l’Afrique en a assez d’être pauvre ! »

La conférence a également abordé l’importance des investissements dans l’éducation des jeunes et l’entrepreneuriat. Alors que la population africaine devrait atteindre 2,4 milliards d’habitants d’ici à 2050 et que 75 % d’entre eux auront moins de 35 ans, M. Adesina a souligné la nécessité d’une éducation de qualité et d’un développement des compétences en phase avec l’économie numérique.



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